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■ am învățat să supraviețuiesc și așa
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2008-09-30 | [Acest text ar trebui citit în francais] | Înscris în bibliotecă de Guy Rancourt À Émile van Mons. Les maisons pointues ont l’air de pencher. On dirait qu’elles tombent. Les mâts des vaisseaux qui s’embrouillent dans le ciel sont penchés comme des branches sèches au milieu de verdure, de rouge, de rouille, de harengs saurs, de peaux de moutons et de houille. Robinson Crusoé passa par Amsterdam, (je crois, du moins, qu’il y passa), en revenant de l’île ombreuse et verte aux noix de coco fraîches. Quelle émotion il dut avoir quand il vit luire Les portes énormes, aux lourds marteaux, de cette ville !... Regardait-il curieusement les entresols où les commis écrivent des livres de comptes ? Eut-il envie de pleurer en resongeant à son cher perroquet, à son lourd parasol qui l’abritait dans l’île attristée et clémente ? « Ô Éternel ! soyez béni », s’écriait-il devant les coffres peinturlurés de tulipes. Mais son cœur attristé par la joie du retour regrettait son chevreau qui, aux vignes de l’île, était resté tout seul et, peut-être, était mort. Et j’ai pensé à ça devant les gros commerces où l’on songe à des Juifs qui touchent des balances, avec des doigts osseux noués de bagues vertes. Vois ! Amsterdam s’endort sous les cils de la neige dans un parfum de brume et de charbon amer. Hier soir les globes blancs des bouges allumés, d’où l’on entend l’appel sifflé des femmes lourdes, pendaient comme des fruits ressemblant à des gourdes. Bleues, rouges, vertes, les affiches y luisaient. L’amer picotement de la bière sucrée m’y a râpé la langue et démangé au nez. Et, dans les quartiers juifs où sont les détritus, on sentait l’odeur crue et froide du poisson. Sur les pavés gluants étaient des peaux d’orange. Une tête bouffie ouvrait des yeux tout larges, un bras qui discutait agitait des ognons. Rébecca, vous vendiez à de petites tables quelques bonbons suants arrangés pauvrement... On eût dit que le ciel, ainsi qu’une mer sale, versât dans les canaux des nuages de vagues. Fumée qu’on ne voit pas, le calme commercial montait des toits cossus en nappes imposantes, et l’on respirait l’Inde au confort des maisons. Ah ! j’aurais voulu être un grand négociant, de ceux qui autrefois s’en allaient d’Amsterdam vers la Chine, confiant l’administration de leur maison à de fidèles mandataires. Ainsi que Robinson j’aurais devant notaire signé pompeusement ma procuration. Alors, ma probité aurait fait ma fortune. Mon négoce eût fleuri comme un rayon de lune sur l’imposante proue de mon vaisseau bombé. J’aurais reçu chez moi les seigneurs de Bombay qu’eût tentés mon épouse à la belle santé. Un nègre aux anneaux d’or fût venu du Mogol trafiquer, souriant, sous mon grand parasol ! Il aurait enchanté de ses récits sauvages ma mince fille aînée, à qui il eût offert une robe en rubis filé par des esclaves. J’aurais fait faire les portraits de ma famille par quelque habile peintre au sort infortuné : ma femme belle et lourde, aux blondes joues rosées, mes fils, dont la beauté aurait charmé la ville, et la grâce diverse et pure de mes filles. C’est ainsi qu’aujourd’hui, au lieu d’être moi-même, j’aurais été un autre et j’aurais visité l’imposante maison de ces siècles passés, et que, rêveur, j’eusse laissé flotter mon âme devant ces simples mots : là vécut Francis Jammes. (Francis Jammes, Le Deuil des primevères, 1901)
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