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Femme noire
poezie [ ]
quelques poèmes

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de [Léopold_Sédar_Senghor ]

2004-06-05  | [Acest text ar trebui citit în francais]    |  Înscris în bibliotecă de lucia sotirova




Femme Noire


Femme nue, femme noire
Vêtue de ta couleur qui est vie,
de ta forme qui est beauté !
J'ai grandi à ton ombre,
la douceur de tes mains bandait mes yeux.
Et voilà qu'au cœur de l'Été et de Midi, je te découvre,
Terre promise, du haut d'un haut col calciné
Et ta beauté me foudroie en plein cœur,
comme l'éclair d'un aigle.

Femme nue, femme obscure
Fruit mûr à la chair ferme,
sombres extases du vin noir,
bouche qui fait lyrique ma bouche
Savane aux horizons purs, savane qui frémis
aux caresses ferventes du Vent d'Est
Tamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde
sous les doigts du vainqueur
Ta voix grave de contralto
est le chant spirituel de l'Aimée.

Femme nue, femme obscure
Huile que ne ride nul souffle,
huile calme aux flancs de l'athlète,
aux flancs des princes du Mali
Gazelle aux attaches célestes,
les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau
Délices des jeux de l'esprit,
les reflets de l'or rouge sur ta peau qui se moire
À l'ombre de ta chevelure, s'éclaire mon angoisse
aux soleils prochains de tes yeux.

Femme nue, femme noire
Je chante ta beauté qui passe,
forme que je fixe dans l'Éternel
Avant que le Destin jaloux ne te réduise en cendres
pour nourrir les racines de la vie.



Souviens-toi


Souviens-toi de moi
Quand l'espace s'étirera au temps.

Souviens-toi de ce temps
Où Tu demandais
D'aller au-delà du temporel,
De déposer à tes pieds le monde.

Souviens-toi aujourd'hui,
Demain,
Combien fidèle je reste
Au souvenir de ces heures
Où l'amour avait la saveur
Des roses clandestines
Qui finit par rencontrer
La sagesse des feuilles du chêne.



Cantique pour un chant silence


Un silence s'installe,
S'implose
Rompu par deux respirations,
Troublé l'effleurement
De caresses fugitives.
Le resserement de l'étreinte,
Moment suprême
De la lente décision,
De l'immense retombée
Pendant la descente.
Connaissance de l'un de l'autre!
Corps labourés!
Corps dévorés!
Corps engourdis de douce mort!
La solitude s'esquive,
L'angoisse s'estompe.
Ils sont seuls!
Recevoir,
Prendre,
Deux présences parallèles,
Acceptation de l'offrante,
Une lumière que chaqun porte en soi.



Comme je passais


Comme je passais rue Fontaine,
Un plaintif air de jazz
Est sorti en titubant,
Ébloui par le jour,
Et m'a chuchoté sa confidence,
Discrètement,
Comme je passais tout devant
La Cabane cubaine.
Un parfum pénétrant de Négresse
L'accompagnait.

Voilà des nuits,
Voilà bien des jours au sommeil absent.
Réveillés en moi les horizons que je croyais défunts.
Et je saute de mon lit tout à coup, comme un buffle
Mufle haut levé, jambes écartées,

Comme un buffle humant, dans le vent
Et la douceur modulée de la flûte polie,
La bonne odeur de l'eau sous les dakhars
Et celle, plus riche de promesses, des moissons mûres
Par les rizières.



Je viendrai


Je viendrai, mon Seigneur élancé,
Je viendrai,
Toute fervente et frémissante de ma longue attente
Et bientôt toute engourdie de bonheur.

Je viendrai, mon ami,
Je viendrai,
Je vois tes gestes, je vois tes yeux.
Je me laisserai submerger sous tes caresses
Profondes.

Je viendrai, mon Aimé,
Je viendrai.
Je toucherai tes mains fortes et fines,
Tes paupières lourdes,
Et je serai la proie de ta bouche violente.

Je viendrai, mon Sadio,
Je viendrai.
Ton amour m'est chose si intime, si dense,
Que je le sens en moi net comme couteau de jet,
Mais mêlé à mon moi,
Mais confondu désormais avec le sang de mes veines.

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