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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2009-08-10 | [Acest text ar trebui citit în francais] | Înscris în bibliotecă de Guy Rancourt
Je serre votre souvenir comme un corps véritable
Et ce que mes mains pourraient prendre de votre beauté Ce que mes mains pourraient en prendre un jour Aura-t-il plus de réalité ? Car qui peut prendre la magie du printemps ? Et ce qu’on en peut avoir n’est-il pas moins réel encore Et plus fugace que le souvenir ? Et l’âme cependant prend l’âme même de loin Plus profondément plus complètement encore Qu’un corps ne peut étreindre au corps. Mon souvenir vous présente à moi comme un tableau de la création Se présentait à Dieu le septième jour Madeleine mon cher ouvrage Que j’ai fait naître brusquement Votre deuxième naissance Nice les Arcs Toulon Marseille Prunay Wez Thuizy Courmelois Beaumont-sur-Vesle Mourmelon-le-Grand Cuperly Laval St-Jean-sur-Tourbe Le Mesnil Hurlus Perthes-lès-Hurlus Oran Alger Et j’admire mon ouvrage Nous sommes l’un à l’autre comme des étoiles très lointaines Qui s’envoient leur lumière… Vous en souvenez-vous ? Mon cœur Allait de porte en porte comme un mendiant Et vous m’avez fait l’aumône qui m’enrichit à jamais Quand noircirai-je mes houseaux Pour la grande cavalcade Qui me ramènera près de vous ? Vous m’attendez ayant aux doigts Des pauvres bagues en aluminium pâle comme l’absence Et tendre comme le souvenir Métal de notre amour métal semblable à l’aube Ô Lettres chères lettres Vous attendez les miennes Et c’est ma plus chère joie D’épier dans la grande plaine où s’ouvrent comme le désir les tranchées Blanches les tranchées pâles D’épier l’arrivée du vaguemestre Les tourbillons de mouches s’élèvent sur son passage Celles des ennemis qui voudraient l’empêcher d’arriver Et vous lisant aussitôt Je m’embarque avec vous pour un pèlerinage infini Nous sommes seuls Et je chante pour vous librement joyeusement Tandis que seule votre voix pure me répond Qu’il serait temps que s’élevât cette harmonie Sur l’océan sanglant de ces pauvres années Où le jour est atroce où le soleil est la blessure Par où s’écoule en vain la vie de l’univers Qu’il serait temps, ma Madeleine, de lever l’ancre ! (Poème de Guillaume Apollinaire, In Lettres à Madeleine, daté du 11 août 1915)
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